samedi 21 mai 2016

Serpentine (Mélanie Fazi)




Une boutique de tatouage où l'on emploie des encres un peu spéciales.
Une aire d'autoroute qui devient un refuge à la nuit tombée.
Une ligne de métro où l'on fait d'étranges rencontres.
Un restaurant grec dont la patronne se nomme Circé.
Une maison italienne où deux enfants croisent un esprit familier...
Tels sont les décors du quotidien où prennent racine ces dix nouvelles. Dix étapes, et autant de façades rassurantes au premier abord... mais qui s'ouvrent bientôt sur des zones plus troubles.
Car les lieux les plus familiers dissimulent souvent des failles, écho de ces fêlures que l'on porte en soi.
Il suffit de si peu, parfois, pour que tout bascule...

Biographie de l'auteur : 

A vingt-sept ans à peine, Mélanie Fazi est l'une des voix à parler le plus haut et clair dans le paysage Fantastique francophone. Avec, dès ses premiers pas, une cadence et une identité marquée, elle a imposé un style protéiforme qui ne cesse de surprendre le lecteur par sa véracité. Prix Merlin 2002, auteure d'un roman de Fantastique en 2003, elle nous livre ici son premier recueil de nouvelles.

Prix obtenus :

Grand prix de l'Imaginaire, nouvelle/Short story 2015
Matilda : Merlin Nouvelle/Short Story 2002



Sur les dix nouvelles lues, je dirais que mes préférences vont à "Nous reprendre à la route" comme un message d'espoir, à "Mémoires des herbes aromatiques" pour le côté comédie et vengeresque. "Matilda" et "Rêves de cendres" m'ont mis très mal à l'aise, on y sent du mal être et une recherche de soi qui portent à des situations extrêmes.
Petit théâtre de rame, incursion dans le métro, se présente un peu comme une petite pièce de théâtre : différents tableaux avec une succession de personnages autour d'une seule apparition qui est le héros principal de cette nouvelle. Très originale dans sa forme et aussi dans son fond : le regard de l'autre.

Le passeur de pluie est très sensible, très accrocheur avec un brin de nostalgie lorsqu'une maison de famille se doit être vendue… les enfants sont adorables dans leur recherche de l'esprit de la maison . On a l'impression de sentir vivre cette maison.

J'ai moins aimé « Le passeur », peut-être un peu trop de sensibilité de ma part vis à vis d'un psychopathe plein de remords mais qui est près à recommencer ses actes pour retrouver ses sensations.

Quand à la dernière nouvelle, je dirais que les héros m'ont fait penser à des vampires , ils aspirent tout ce qui fait l'essence même de l'homme : son passé, ses expériences, son âme.

Je découvre l'écriture de Mélanie Fazi et je peux dire que j'adore, c'est plein de sentiments, d'émotions, de sensibilité qui viennent toucher en nous les points sensibles qui nous font réagir à telle ou telle nouvelle. Elle nous fait partager d'autres émotions inconnues aussi bien agréables que dérangeantes. En somme une belle découverte pas forcément sur les thèmes choisis, qui m'ont parfois mise très mal à l'aise, mais sur son écriture très fluide et surtout très poétique en toute occasion.

mercredi 18 mai 2016

"Un été avec Louise" de Laura Moriarty




Résumé :


Août 1922. Louise Brooks a 15 ans.
Cette future icône du cinéma muet intègre la prestigieuse école de danse de Denishawn et touche du doigt son rêve : quitter sa ville étriquée du Kansas pour la flamboyante New York.
Seule ombre au tableau, ses parents lui imposent une chaperonne, Cora Carlisle. Une femme aux antipodes de la jeune Louise, avec des valeurs, le souci des convenances, mais aussi de lourds secrets... Car si Cora se porte volontaire pour accompagner la jeune fille, c'est avant tout pour pouvoir partir sur les traces de son propre passé obscur.
Elle n'imaginait pas que préserver la vertu de sa protégée s'avérerait aussi difficile. Louise, avec son air mutin, son petit carré noir soyeux à la frange bien dessinée, attire les regards, elle a soif de liberté et entend bien profiter de cette ville enchanteresse qui foisonne de théâtres, résonne d'un jazz enivrant et fourmille d'hommes. Ces cinq semaines passées ensemble vont changer le cours de leur vie à jamais....
Une sublime fresque romanesque tout en sensibilité, deux portraits de femmes d'une force, d'une audace et d'une modernité éblouissantes !

Biographie de l'auteur :

Née à Honolulu sur l'archipel d'Hawaii, diplômée en sciences sociales, Laura Moriarty a obtenu une bourse à l'académie Phillips Exeter suite à son premier roman L’Égale des autres, publié en 2004. Elle vit désormais avec sa fille à Lawrence, au Kansas, ou elle se consacre à l'écriture. Un été avec Louise est son premier roman à paraître au Fleuve Noir.

Mon avis :


« Un été avec Louise » n'est pas seulement un simple roman mais je dirais plutôt une magnifique fresque de l'histoire américaine, doublée de deux portraits terriblement humains et incroyablement complexes, de deux femmes dont on suit les destins croisés sur près de soixante-dix ans à savoir Louise Brooks, grande actrice du muet des années folles et de Cora Carlisle, jeune femme de 36 ans qui elle aussi a une histoire particulièrement représentative de cette époque.

Composé de trois parties, (le voyage en train jusqu'à New York, le séjour new-yorkais, entre rêve éveillé et désenchantement, puis le retour à Wichita), « Un Été avec Louise » ne cesse de prendre de l'ampleur et de gagner en profondeur à mesure que l'on découvre les personnages et que défilent les années.

Cette histoire nous permet d'en apprendre beaucoup sur l'icône du muet « Louise Brooks », mais également sur l'industrie du cinéma, le monde cruel d'Hollywood, notamment à travers le moment crucial et décisif du muet au parlant, qui a fait beaucoup de mal, certains acteurs adulés hier ce sont retrouvés, oubliés, voire dénigrés, du jour au lendemain. On découvre également la vie nocturne new yorkaise et ses nombreux divertissements, notamment la comédie musicale Shuffle Along, écrite, produite, dirigée et jouée exclusivement par des Noirs, qui avait fait scandale au début des années 20, mais lancera la carrière de la Perle noire, Joséphine Baker, née la même année que Louise

Concernant celle qui deviendra Loulou, tous les faits relatés, en rapport avec son enfance, sa vie de femme, sa carrière,... sont véridiques. On découvre alors une femme très intelligente, à l'esprit vif, une femme éprise de liberté, souhaitant laisser libre cours à ses désirs, quitte à payer le prix fort. Très émouvant mais aussi édifiant, cet aspect biographique donne envie d'en savoir toujours plus sur l'actrice. Ce roman me donne l'envie de lire son autobiographie écrite par elle-même « Loulou à Hollywood »

Quant à Cora... Comment ne pas succomber à cette héroïne inoubliable ? Comment demeurer insensible à son évolution remarquablement puissante, bouleversante de trentenaire aigrie, prisonnière de sa propre ignorance, d'épouse coincée, terrifiée par la vie, préférant alors la critique facile à la réflexion. Elle deviendra une femme libérée, engagée, ouverte d'esprit, téméraire, fondamentalement bonne et... amoureuse.

Historiquement et socialement très fouillé, Un Été avec Louise aborde les grands bouleversements, préoccupations, combats qui ont forgé l'Histoire américaine, décennie après décennie.

Les années folles, la prohibition et ses bootleggers, le KKK et le racisme ambiant, le krach boursier et ses douloureuses conséquences, les tempêtes de poussière ; la condition féminine, l'adoption, l'avortement, la contraception, les relations homme-femme ; l'évolution de la mode, de l'étouffant corset aux robes-chemisiers laissant enfin le corps respirer, les ourlets remontent, s'allongent, en fonction de l'état d'esprit du moment, de la bienséance imposée. L'homosexualité se présente également comme l'un des thèmes principaux du roman.

Voici un livre que j'aurai aimé de bout en bout, un vrai coup de cœur. Une belle histoire romancée il est vrai mais à travers l'Histoire d'une génération. Ce qui lui donne une grande force.

samedi 7 mai 2016

"Les confessions de Mr Harrison" de Elizabeth Gaskell




Résumé :


« Tout en cheminant jusque chez moi, Jack me dit : «Ma parole, Frank ! Ce que j'ai pu m'amuser avec la petite dame en bleu. Je lui ai dit que tu m'écrivais tous les samedis pour me raconter les événements de la semaine. Elle a tout gobé.» Il s'arrêta pour rire, car il était secoué par de tels accès, de tels spasmes d'hilarité, qu'il n'était plus en état de marcher. «Et je lui ai dit aussi que tu étais amoureux fou - nouveau spasme - d'une personne dont je n'avais pas réussi à t'arracher le nom, mais qui avait des cheveux châtain clair - bref, j'ai peint d'après nature et décrit avec précision tout ce que j'avais sous les yeux ; puis j'ai ajouté que je voulais à tout prix voir ta bien-aimée et la supplier d'avoir pitié de toi, car avec les femmes tu étais le garçon le plus timoré, le plus poltron du monde.» A ces mots, il fut saisi par une crise de fou rire si violente que je crus qu'il allait rouler sur le pavé.» [...] Je finis par être obligé de rire, si furieux que j'eusse été jusque-là ; son impudence était irrésistible. »

Gaskell fustige le snobisme et les fausses valeurs, la cupidité et la roublardise. Elle traque les bassesses et les hypocrisies. [...] L'ironie - quelle manie avec un art consommé - est davantage celle d'une aimable moraliste que d'une contemptrice de la société victorienne corsetée et conformiste. Mais jamais elle n'interdit à son lecteur de lire entre les lignes...

E. Giuliani La Croix, 01/04/2010


Biographie :


Elizabeth Gaskell fait partie de la grande et talentueuse cohorte des romancières anglaises du XIXe siècle, aux côtés de Jane Austen, Charlotte, Emily et Anne Brontë et George Eliot. Ses romans et nouvelles se distinguent par leur charme, leur vivacité, leur humour, leur intelligence et même leur courage, si l'on songe au tollé que soulevèrent au moment de leur parution certains d'entre eux, jugé beaucoup trop progressistes par une partie de la bourgeoisie d'outre-Manche. Malgré ses nombreuses occupations, cette femme de pasteur et mère de quatre filles a trouvé le temps de laisser à la postérité une œuvre foisonnante.


Mon avis :


« Confessions de Mr. Harrison » est un court roman, publié entre les mois de février et d’avril 1851, dans le magazine « The Ladies Companion and Monthly Magazine ». Le narrateur et principal protagoniste de l’histoire, Mr Harrison, est un jeune médecin, qui évoque avec beaucoup de réalisme et d’humour ses premiers pas dans la profession et son apprentissage de la vie sociale dans une petite ville de province.

J'adore la plume d'Elizabeth Gaskell, pleine d'ironie envers les travers et les habitudes de la bourgeoisie provinciale. Elle dépeint aussi les joies et les peines du métier de médecin de campagne, alors en pleine évolution.

« C’est en effet au cours de la première moitié du XIXe siècle que ces généralistes, dont la formation avait été jusque là assez sommaire, commencèrent à suivre des études dignes de ce nom et purent peu à peu s’élever dans la hiérarchie sociale. Mrs Gaskell connaissait bien ce milieu, car un de ses oncles maternels, Peter Holland, était justement un de ces hommes en pleine ascension sociale. Elle séjourna souvent dans sa famille, avant son mariage et eut l’occasion de le voir à l’œuvre et de l’accompagner parfois dans ses tournées. Le fils de Peter, Henry Holland, devint à son tour un médecin réputé, ce qui permit à sa cousine de se tenir au courant des progrès médicaux et scientifiques et de donner ainsi plus de vraisemblance à son personnage et à son intrigue »

J'ai lu dernièrement « Nord et Sud » et je continuerai en principe avec « Ruth » de notre auteure outre-Atlantique. J'aime ce côté très caustique qu'elle a vis à vis de la société de l'époque ainsi que toute l'hypocrisie qui existe dans les relations sociales de tout ce petit monde.

D'un autre côté, ce roman, pourrait être qualifié : comment s'en sortir, pour un jeune homme lorsqu'il se retrouve sous les yeux et les ragots d'une toute petite ville ou alors comment détruire une réputation sans en avoir l'air.

Charmant.